Manaudou : l'or et l'argent,
la limite entre l'amateurisme et le professionnalisme de plus en plus flou…
- le début du commencement…
Lorsqu'on récolte les plus belles médailles et collectionne les podiums les plus prestigieux, les journalistes se régalent et vous encensent. Ils ont de quoi se mettre sous la plume. Avec un prénom pareil, Laure leur donne la matière idéale pour fabriquer de beaux titres, ou du moins des titres racoleurs… Et lorsque la polémique vient ajouter de l'eau à leur moulin pour mieux faire tourner les rotatives, les journalistes en redemandent… ça fait partie du métier et les frontières déontologiques sont souples à souhait.
Toi qui est une personne publique, attends-toi à tout et prie !
Laure et l'argent. Parlons-en, ça intéresse ! Jamais une nageuse française ou un nageur n'avait gagné autant de médailles et autant d'argent. On connaît ses contrats avec la Société des bains de mer, à Monaco et celui, en or, avec François Pinault. Cela peut faire tourner la tête du champion et le jugement de l'entourage. Des familles furent détruites, à l'heure de faire les comptes… Cela peut aussi motiver pour prolonger une carrière et surtout pour accepter de se soumettre à des entraînements qui ressemblent parfois à des séances de torture…
Dans le cas de Laure, il semble qu'elle soit arrivée à un point de saturation qui lui fait perdre ses repères. Une situation courante, comme n'est pas si rare le changement d'entraîneur pour un athlète. A ce jeu, c'est à quitte ou double. Ou le nouvel entraîneur réussit à raviver la flamme chancelante ou il l'éteint. C'est le plus souvent le cas. De toute façon, chacun y laisse des plumes.
Pour l'entraîneur, c'est moins grave. Seul son amour propre en prend un coup. S'il a quelques qualités, pour un athlète perdu, dix de retrouver… Pour son champion, ce peut être dramatique s'il ne surmonte pas le changement d'environnement humain et géographique, et surtout si les résultats ne sont pas au rendez-vous pour valider son choix. La pression est alors trop forte et ces fameux journalistes de tout à l'heure ne tarderont pas à enterrer l'ex-gloire. En quelques semaines, on passe de la première page à la dernière, comme le déclarait un connaisseur, le présentateur de télévision Nelson Montfort.
Les entraîneurs ne sont pas préparés pour aider leurs protégés dans tous les domaines. Se sont des techniciens qui connaissent les méthodes qui amèneront leurs élèves à leur meilleur niveau. Pour ce qui est de la psychologie, c'est le plus souvent l'empirisme qui prévaut. Pas facile, certains athlètes réagissent lorsqu'on leur dit qu'ils sont nuls. Ils reviennent le lendemain, gonflés à bloc, prêts à démontrer le contraire. D'autres ne supportent pas l'insulte. Découragés, on n'en tire plus rien. Qui leur parle de la façon de gérer un échec toujours possible ? Qui s'intéresse à leur reconversion morale et professionnelle en fin de carrière ou lorsqu'ils vivent une crise existentielle ? On est le plus souvent dans l'à-peu-prés, à moins qu'on fasse tout simplement l'impasse sur ce type de question.
Un professionnel du sport nous racontait que, lors de son examen à l'oral d'Entraîneur d'état, on lui avait fait le reproche suivant : "Vous êtes davantage un éducateur qu'un entraîneur !" Il eut l'impression que c'était parce qu'il s'était un peu trop étendu sur la responsabilité morale au détriment du pragmatisme qui, en la matière, conduit à obtenir coûte que coûte, des résultats. Il prit d'ailleurs, pour lui-même, cette critique comme un compliment.
La vie des champions n'est pas simple, les rapports avec les entraîneurs souvent compliqués. Ils sont à la fois le conseiller, le technicien qui les fait progresser, le père qui les console et les protège. Parfois, il faut bien l'avouer, cela peut conduire à des dérapages plus ou moins prononcés… il n'est pas exceptionnel d'ailleurs que certaines relations finissent pas un mariage.
Ce qui arrive à Laure, le bon, ses médailles, le moins bon, la polémique autour de son entraîneur et de ses choix de vie, méritent qu'on s'y arrête, qu'on y réfléchisse et qu'on en tire des leçons. Pour la petite histoire, qu'on en profite aussi pour faire un retour en arrière. Dans les années soixante – cela peut faire figure de préhistoire du sport moderne – l'amateurisme était une chose sérieuse. Combien d'athlètes surtout français, britanniques et australiens, perdirent leur statut d'amateur pour des broutilles ? Un immense gaspillage, car il n'existait pas encore d'alternative.
La Fédération française de natation de l'époque pensa même interdire aux Maitres-nageurs-sauveteurs
diplômés de concourir… Les règlements étaient suivis par des dirigeants zélés qui ne supportaient pas qu'on puisse récompenser ou plus simplement dédommager des athlètes qui passaient l'essentiel de leur temps à s'entraîner et à défendre les couleurs de leur pays. Les pays derrière le rideau de fer qui visaient à promouvoir leur régime politique et leur idéologie, trouvèrent vite le moyen de contourner la difficulté et inventèrent l'amateurisme marron et mirent à la mode le dopage. Leurs athlètes de niveau international, devinrent des fonctionnaires d'état. Ils ne pointaient que pour toucher, à la fin du mois, leur paye. L'emploi fictif est donc né… en Russie.
On le voit, les choses ont vite évolué. On est peut-être tombé d'un excès dans l'autre. Les podiums olympiques sont devenus des enjeux importants. Ils ne justifient pourtant pas tout. Et s'il doit rester un espace entre le sport professionnel et le sport amateur, ce doit être celui de la mesure et pas celui de la démesure. C'est le message qu'il faudrait faire passer à la jeunesse mais d'abord à nos dirigeants.
Laissons le mot de la fin à l'inénarrable coach de Laure Manaudou, Philippe Lucas, revisité par les Guignols : Et puis c'est tout !
- mention : www.pariscotedazur.fr - mai 2007 – - contact et commentaires : info@pariscotedazur.fr -