Joueur de mots et d’idées, Fernand Dartigues
donne un avis… d’outre-tombe à ses lecteurs
- FD, île Saint Honorat, 1950 - photo Gabriel Ollive -
Joueur de mots et d’idées… générales, Fernand Dartigues a accumulé, au fil de plus de 80 années, un bon millier de poèmes, petits bouts de la chair d’un être inquiet, passionné, torturé, rarement heureux. Il a rangé dans des centaines de cahiers d’écoliers, des pensées ordinaires et d’autres qui l’étaient moins. Il en a brûlé quelques-uns uns, à la veille de partir, rendu amer par la maladie et le spectacle d’un monde qui changeait trop vite pour lui.
Après avoir travaillé pour les autres, en 1959, il fit le pari un peu fou de créer son propre magazine : Paris Côte d’Azur. Il y écrivit quelques 919 éditoriaux, se donna sans compter et amassa des bouts d’idées sur la vie, sur le monde, commentaires sur l’actualité, fictions… publié dans un ouvrage : Réflexion sur les humains et sur l’époque.
Fernand qui signait à l’occasion Effedé, avait pris conscience de toutes nos vanités, de nos désirs plus ou moins inavoués de reconnaissance et de gloire, sinon, que serions-nous donc venus faire dans cette galère !
Il avait, il est vrai, connu le plus souvent la galère, Fernand, trempant du pain dans un verre de vin sucré, à Marseille, pour tromper sa faim en attendant la deuxième guerre mondiale. Peinant à survivre dans sa mansarde, il s’était habitué à se contenter de peu. Il avait même pensé écourter une vie qui lui offrait si peu.
Qui l’a connu sait qu’il vivait dans un dépouillement qui frisait le dénuement… Ce qui ne l’empêchait pas de fréquenter, son petit certificat en poche, les plus grands, les plus diplômés, les plus riches, sans complexe ; de passer de son repaire cannois de la rue Auber, plein de mots collés sur les murs, de tableaux d’artistes rencontrés, de lettres reçues, d’articles et de photos épinglées sur le papier peint de son bureau-pièce à vivre et à tout faire… aux palaces les plus étoilés sans y voir aucune contradiction.
La plus longue partie de son parcours effectué, Fernand D s’adressait ici à ses lecteurs :
Cher lecteur, qui daigne me lire
Tout ça ne veut vraiment rien dire
Lecteur, c’est moi qui le dis !
Il est certes des choses pires
Qui peuvent davantage nuire
Mon cher lecteur, à ton esprit !
Mais que t’importent mes délires
Mon goût d’aimer et de traduire ?
Quiconque s’exprime médit !
Lecteur, il ne faut pas me croire
Cesse d’encombrer ta mémoire
Avec mes médiocres écrits !
Songe à bien manger, à bien boire
Et laisse à ses rêves de gloire
Un poète à peine maudit !
Fernand D, implicitement, nous donne la mesure, la mesure du temps. Lorsque le site Internet de Paris Côte d’Azur disparaîtra et ses archives avec lui, que restera-t-il dans la mémoire collective de tout ce travail ? Disons-le tout net : rien. Les écrits, ayant dépassés la limite d’âge, hors du temps, seront dispersés aux quatre vents de l’oubli.
Il faut s’y résoudre. Tout a une fin. Nous bien sûr, « à titre individuel », l’humanité ensuite, toute empreinte de sa « finitude », la planète aussi, perdue dans l’immensité d’un incompréhensible cosmos. Et de se poser avec Fernand et tous les astrophysiciens réunis : existe-t-il une fin, même si avec la force de notre logique, il a bien dû y avoir un commencement ?