Crise : pendant que le bateau coule,

des financiers font la fête… et perdent le sens des... valeurs.

Catégorie Pieds dans le plat

Nous ne parlerons pas aujourd’hui des cadeaux de départs faits aux patrons dont les « prouesses » ont conduit leur entreprise au bord du gouffre, ces fameux parachutes dorés, ni des stock-options donnés à ces mêmes patrons, bien placés (comment l’être davantage…) pour les vendre au moment opportun. On nous dit que les choses vont évoluer…

Ce qui attire aujourd’hui notre attention, ce sont ces dirigeants qui, à l’abri derrière des contrats de travail juridiquement bien verrouillés, leurs comptes en banque déjà bien remplis, souvent au chaud dans des paradis fiscaux, se gobergent aux frais de la princesse, essentiellement des actionnaires de leur boite, et in fine, des contribuables… réunis.

Ainsi, aux USA, à peine une semaine après avoir vu leur entreprise, l’American International Group, renflouée par les autorités américaines qui ont injecté la bagatelle de 85… milliards de dollars, une centaine de dirigeants de ce leader mondial de l’assurance et des services financiers dont le réseau s’étend à plus de 130 pays… se sont retrouvés en Californie, au bord de la piscine. Et pas n’importe laquelle, celle d’un des plus luxueux palaces qui soit, le « St Regis Monarch Beach ». Au départ, il ne s’agissait pas de discuter de la crise mais plutôt de se faire du bien. Spa, massages à gogo pour mieux évacuer les courbatures dues à une intense pratique du golf… À l’arrivée, la facture de cette « remise en forme », publiée dans le Washington Post, se monte à 440 000 dollars.

- le St Regis Monarch Beach de Californie, rien n'est trop beau
pour les magnats de la finance -

Qu’en ont pensé les contribuables américains, surtout ceux qui, touchés par la crise économique, se retrouvent au chômage, ceux qui doivent maintenant payer les « subprimes » au prix fort ou abandonner du jour au lendemain leur maison ? Ceux qui, dans cet impitoyable système ultralibéral, ne peuvent plus honorer les traites mensuelles de leur caisse de retraite et de leur assurance santé ?

L’Europe, toujours un peu complexée face au grand frère d’outre atlantique, ne veut pas être en reste. C’est la Belgique qui, à travers Fortis Insurance Belgium, a relevé le gant. Une petite cinquantaine de courtiers se sont retrouvés à Monaco dans l’un des plus beaux et par conséquent des plus chers hôtels de la Principauté pour faire bombance. Il ne fallait pas moins que le restaurant Louis XV, *** Michelin grâce au néo-monégasque Alain Ducasse, pour leur faire apprécier le déplacement et les motiver pour être des intermédiaires achevés. Au final, une facture de 150 000 €, voyage non compris, soit 3 000 € par tête pour une nuit, un petit déjeuner et un lunch. De la roupie de sansonnet, pour ces financiers qui jonglent avec les milliards jusqu’à perdre le sens des… valeurs, complètement déconnectés des préoccupations bien… triviales des « vrais gens ».

Comme pour AIG - on l’a vu plus haut - c’est l’Etat qui a donné un coup de pouce à l’entreprise menacée de faillite. Les dirigeants de Fortis assurance se défendent : ce n’est là qu’une pratique courante. C’est vrai. On s’étonne, aujourd’hui que le bateau penche dangereusement, de ces coutumes. Personne jusque là n’y trouvait à redire, ni les clients, ni l’Etat, ni les partis, ni encore moins les… bénéficiaires. La gauche, vertueuse à souhait, n’est pas la dernière à monter sur ses grands chevaux, oubliant ce que coûtent les meetings politiques et les banquets, durant lesquels on ne lésine pas non plus sur la qualité des mets, des vins, des spiritueux… et des cigares.

Dernières agapes dont l’existence est dévoilée par les médias, celles de la banque privée Dexia, également organisées dans la principauté de Monaco pour le bénéfice de plus de 200 invités. Des convives, réunis à l’Hôtel de Paris, pour fêter l'installation officielle de la première filiale monégasque de la banque. Aux dires du quotidien belge De Morgen, « l'invitation prévoyait un dîner de quatre services, un orchestre de jazz ainsi qu'un discours de la part du Belge Hugo Lasat, membre du comité de direction. Ce discours devait constituer le point d'orgue de la soirée mais il n'a finalement pas été prononcé en raison de la crise ». Pudique initiative que nous saluons… Les banquiers seraient-ils donc capables de faire preuve de décence, à moins que ce ne soit que de la prudence ?

Alain Dartigues

- mention : www.pariscotedazur.fr – octobre 2008 -
- écrire au magazine, se désabonner -