France : un ministre de la République assassiné ?
De troublants témoignages accréditent à nouveau cette thèse…
Nous étions en 1979 et personne ne voulait entendre parler d’un ministre assassiné, d’autant que cela ne ressemblait pas à un crime crapuleux. Ce ne pouvait donc être qu’un suicide ou bien un crime… politique. Pouvait-on raisonnablement, dans notre beau pays, envisager ce dernier scénario ? Dans ce pays où un futur président de la République était capable d’organiser un faux attentat (de l’Observatoire) rien que pour faire parler de lui, de cacher, président, sa double vie et une fille, pour ne pas troubler les simples… d’esprit ; dans un pays où un premier ministre au dessus de tout soupçon se suicidait d’incompréhensible façon ; dans un pays où un premier ministre encore récemment en exercice, était soupçonné d’avoir laissé courir de fausses rumeurs pour empêcher un concurrent de devenir président ; dans un pays, la France, où un ancien ministre de l’Intérieur est poursuivi depuis des années par la justice de son pays pour rendre des comptes… cela ne devait, ne pouvait pas être possible.
Seuls la femme et les enfants de ce ministre, Robert Boulin, refusaient de croire à un suicide troublant autant qu’improbable. Seuls contre tous, contre l’Establishment, contre les médias, seuls contre de ou des présumés coupables et leurs commanditaires. Dès le début, ils ont manifesté leurs doutes sans jamais obtenir de réponses satisfaisantes de la part des enquêteurs. Ils avaient, ils ont toujours la conviction qu’on leur cachait des choses, des choses qui dérangeaient des intérêts… politiques.
Trente ans après, de nouveaux témoignages (pourquoi si tardivement), et pas des moindres, relancent le dossier Boulin. Ainsi, un ancien ministre gaulliste, Jean Charbonnel, et la fille d'Alexandre Sanguinetti, membre influent du Service d'action civique, le SAC (cher à Charles Pasqua) accréditent la thèse de l’assassinat. Bien sûr, si c’est un suicide, ce devrait être du domaine du privé mais même un suicide peut cacher un coupable. On peut pousser quelqu’un à mettre fin à ses jours. L’actualité ne nous donne-t-elle pas ces jours-ci quelques exemples dans le domaine des entreprises privées et publics ?
Officiellement, Robert Boulin se serait suicidé après avoir absorbé des barbituriques. Le médecin légiste de l’époque semble prêt à faire quelques révélations sur le sujet ainsi qu’un policier présent sur les lieux. Jean Charbonnel enfonce le clou, il pourrait bien s’agir d’ « un règlement de compte politique ». Mais alors, à qui profitait le crime ? Qui était au pouvoir à ce moment-là ? Qui pouvait être ou se sentir menacé par le ministre du Travail de Giscard d’Estaing ? Qui avait intérêt à faire disparaître ce concurrent ou ce détenteur de secrets d’Etat compromettants ? La réponse à l’une ou plusieurs de ces questions auraient pu ête autant de pistes que la police et la justice (qui, hier comme aujourd’hui, subissent des pressions) n’ont peut-être pas suivies avec toute la pugnacité nécessaire… à moins aussi que secret d’Etat rime avec secret… Défense.
Ministre de la Vème république pendant 16 ans, Robert Boulin avait refusé de participer au gouvernement Chirac de 1974 à 1976. On l’annonça comme le successeur de Raymond Barre… Tiens, tiens, nous voilà rendu en 1979, à la veille de son… présumé suicide. Et brusquement, voilà qu’on lui trouve des poux sur la tête. La façon dont il a acquis un terrain à Ramatuelle ne semble plus tout à fait convenable. Tout ça nous rappelle l’autre présumé suicide de Pierre Bérégovoy, premier ministre de François Mitterrand qui s’était attaqué à la corruption affairiste et… politique. On lui reprocha opportunément un prêt de complaisance pour l’achat d’un appartement plutôt bourgeois à Paris. À Fréjus, c’est le mur de la villa de François Léotard qui mit fin à ses velléités de se présenter à la présidence de la République. « Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. » Et c’est bien de mort dont il est question, de mort… politique ici ou de mort… physique là.