Paris : Voyage en soi-même et par soi-même.
Une découverte originale de la capitale par un guide historico littéraire ou dans des quartiers peu connus.
Que ça soit à la ville ou à la mer, la crise a touché pleinement les vacanciers qui surveillent minutieusement leurs dépenses estivales. Préférant la prudence financière, de nombreux touristes européens, notamment anglais profitant de la baisse de l’euro, et américains se pressent ainsi sur les pavés parisiens. Faire face à l’essaim touristique grouillant n’est pas chose aisée au Champ de Mars ou sur le parvis de Notre-Dame. Il existe un autre moyen de visiter la capitale en désertant les trottoirs saturés tout en s’intéressant au passé de la ville.
Et qui mieux qu’un passionné d’Histoire et de la ville Lumière peut transmettre son admiration ? Il a joué les plus grands noms de l’Histoire artistique tels Mozart, La Fontaine, Sartre, et ne se prive pas de diffuser son amour des Lettres et de l’Histoire à chacune de ses apparitions médiatiques, il incarnera bientôt Puck dans « Le songe d’une nuit d’été » au Théâtre Comédia. Lorànt Deutsch a attendu ses 14 ans pour quitter sa Sarthe natale et rejoindre la capitale. C’est, sans doute, à ce moment-là que sa fascination pour la plus belle ville du monde a commencé. Le provincial prend la plume pour évoquer la ville qui l’a accueilli dans « Métronome », un livre original et divertissant. Classer l’ouvrage dans la catégorie « Histoire » ou « Guide touristique » est assez difficile car, se baladant au rythme du métro, marquant ainsi le tempo incessant d’un métronome, l’auteur retrace chronologiquement et de façon cohérente l’Histoire de Paris.
De la « Cité » à « La Défense », en passant par « Louvre-Rivoli » et « La Chapelle », l’Histoire de Paris s’écrit page après page et siècle après siècle. Cependant, le livre d’Histoire disparaît quand le Guide touristique commence. Passant du coq à l’âne avec un art de la formule très développé et reflétant ainsi à la perfection la diversité et la richesse de la ville de Paris, Lorànt Deutsch pointe du doigt les paradoxes historiques, Paris serait né à Nanterre ; la Tour Eiffel, splendide mausolée involontaire, serait au même endroit que les cadavres celtiques de l’armée de Vercingétorix !
Les descriptions des faits historiques d’une extrême vivacité font face à des encarts qui insistent sur les lieux insolites ou marquants de grands tournants historiques donnant évidemment une implacable envie de voir de ses propres yeux ces endroits charnières. Et c’est là que le bas blesse. Arpenter la place de la Concorde pour découvrir l’inscription presque effacée « Place Louis XVI » ou l’endroit exact où le même roi a été décapité est encore chose facile mais contempler l’unique pan de mur du Cardo Maximo est affaire plus décevante ! L’auteur prévient de cette frustration lui qui, en passionné privilégié, a pu voir en sous-sol les quelques vestiges d’un Paris aujourd’hui laissé à l’abandon.
Comment visiter Paris autrement sans relation ni tomber dans le cliché ? Les éternels guides conférenciers peuvent évidemment combler quelques touristes curieux mais les promeneurs solitaires peuvent aussi vagabonder dans des quartiers délaissés comme La Nouvelle Athènes. Au seuil du XIX° siècle, l’expression empruntée au journaliste Dureau de la Malle du Journal des Débats désignait un quartier du 9ème arrondissement où les artistes grouillaient dans les hôtels particuliers. Eugène Delacroix, Théodore Géricault ou le sculpteur Jean-Baptiste Pigalle ont aimé et marqué les plus belles années du quartier. La visite commence sans doute par la Place Saint-Georges où la statue de Gavarni trône en son centre comme un totem de cette époque. Le dessinateur de presse a d’ailleurs emprunté l’appellation de « lorettes » à l’église de quartier pour désigner les prostituées qu’il caricaturait. Le buste du dessinateur fait face à la bibliothèque Thiers, héritage d’un ménage à trois entre le journaliste, premier Président de la Troisième République, et la famille de l’agent de change Dosne, et l’hôtel Païva dont la propriétaire, marquise mondaine, recevait le tout Paris. Au détour de la rue de La Rochefoucault en travaux, il est très étonnant de tomber face à deux bâtiments qui ne paient pas de mine. C’est pourtant là, au 55 rue Pigalle et au 66 rue de La Rochefoucault, que les amours entre Victor Hugo et Juliette Drouet ont connu leurs plus belles heures comme on peut le voir dans « Victor Hugo, mon amour », pièce de théâtre célébrant les amours entre l’auteur et sa muse comédienne, à la Comédie Bastille à la rentrée.
Mais l’autre couple star qui donne l’âme au quartier, c’est bien Georges Sand et Frédéric Chopin. Le square d’Orléans fut d’ailleurs le cadre des tumultes entre les deux artistes mais aussi d’Alexandre Dumas et de sa maîtresse, ainsi que de Mademoiselle Mars, celle qui immortalisa le rôle de Doña Sol, lors de la bataille d’ « Hernani » de Victor Hugo.
- Musée de la vie romantique, Paris -
Les mémoires de ce temps jadis peuvent être contemplées au Musée de la Vie Romantique. L’évocation de certaines pièces de la maison de l’auteur de « La petite fadette » sur une musique de son amant, permettent une touchante intrusion dans leur vie privée. Véritable havre de paix et bol d’air frais dans un Paris fourmillant, l’ancienne demeure du peintre Ary Scheffer offre un réel dépaysement temporel alors qu’à trois pas de là, la Butte Montmartre, bondée, ne désemplit pas de touristes.
Une bonne occasion pour ne plus corner l’éternel guide vert et voir « Paris… Derrière » !