Cannes : fausses notes sur le sable.

Crédits:
textes par

Une lettre ouverte adressée au premier magistrat de la ville à propos des nuisances de l’été constatées durant et à la suite des concerts nocturnes des "Plages Électroniques", vient perturber le bilan plutôt flatteur de la manifestation. Elle a, cet été encore, réuni plus de 10 000 personnes à chacune des cinq représentations et annonce qu'elle a enfin atteint le seuil de... rentabilité.

  • Philippe Tabarot, après avoir hésité, de peur d'être traité d'anti-djeun, vient d’adresser une lettre ouverte à Bernard Brochand au sujet de la manifestation des « Plages Électroniques », soutenue par la majorité du conseil municipal. Cette interpellation est assez rare et n’est percutante qu'en raison de son caractère exceptionnel. Elle sonne comme une sommation, se prononçant… implicitement contre le renouvellement tel quel de l’événement mis en cause. Les arguments développés par le conseiller municipal d'opposition, par ailleurs vice-président du Conseil général des Alpes-Maritimes, méritent d’être lus car ils apparaissent pour la plupart comme étant de bon sens.

Monsieur le Député-maire,

Un reportage télévisé diffusé dans une émission à fort taux d’audience et des articles de presse viennent de pointer du doigt la ville de Cannes en montrant des problèmes de drogues générés par la manifestation soutenue par votre majorité, celle des « Plages Électroniques ».

Avec mon groupe municipal, nous ne pouvons nous abstenir d’exercer notre vigilance d’élus responsables et ne saurions accepter que ce genre de manifestation, autorisée dans un lieu public par votre majorité, soit, comme l’écrivait notre quotidien régional, « un supermarché de la drogue » à ciel ouvert au cœur de Cannes.

Les faits relatés dans les médias viennent corroborer notre constat. Les témoignages de Cannois que nous recevons ne relèvent pas de notre imagination mais de la simple observation. Même si les concerts peuvent être considérés par certains de qualité, ce sont les connexions avec les problèmes de stupéfiants, que nous refusons, et cela, sans concession.

Nous le regrettons vivement pour la protection de notre jeunesse face à des risques d’accidents mortels et pour l’image de notre ville, une nouvelle fois, égratignée, loin de l’image qu’est censée incarner la ville de Cannes.

Cannes doit être une invitation à l’excellence avec ses hôtels, ses restaurants, ses commerces tout en demeurant accessible à tous. La recherche de la qualité doit primer dans une ville connue dans le monde entier. Cannes doit également se montrer irréprochable autant que faire se peut. C’est une exigence politique, morale et républicaine de premier ordre.

De par son partenariat, la ville de Cannes se trouve dans une position ambigüe puisqu’elle cautionne dans un lieu public des comportements dangereux tout en mobilisant l'argent du contribuable pour limiter les excès auxquels ces manifestations ont donné lieu.

Il ne s’agit pas de tout interdire. Je rappelle que notre groupe municipal soutient d’autres projets festifs de la municipalité orientés vers les jeunes. Nous n’avons l’intention ni d’y déroger ni de les contester.

Cependant, nous ne pouvons, malgré les efforts méritoires de la Police et des Sapeurs-Pompiers en intervention lors de ces manifestations, banaliser ces déviances et accueillir à Cannes des prédateurs-dealers venus de toute la France.

Nous vous adressons une nouvelle mise en garde, comme nous l’avons déjà fait plusieurs fois en Conseil Municipal, qui ne peut être ignorée, négligée ou encore balayée d’un revers de main, comme souvent, par David Lisnard, votre 1er Adjoint, sur cette question.

Dans cette attente, je vous prie de croire, Monsieur le Député-maire, à l’expression de mes salutations distinguées.

Philippe Tabarot

  • Commentaires de la rédaction : notre collaboratrice, Solène Lanza - et nous lui faisons confiance - confirme bien volontiers la qualité de la programmation (lire ici sa critique). Par ailleurs, le préfet du département, Francis Lamy, s’était déplacé en personne, le 4 août, pour vérifier la réalité du dispositif de sécurité mis en place par les organisateurs. Il parut satisfait des efforts réalisés car, cela semble malheureusement inévitable, ce genre de manifestation va de pair avec la consommation excessive d’alcools et de drogues. Il reste que l’on peut se poser la question sur l’opportunité de telles fêtes dans une ville comme Cannes. Il y a déjà Nice, Juan les pins, Saint-Tropez qui sont sur un créneau similaire. Cannes a-t-elle intérêt, sur le long terme, à développer cette stratégie touristique qui, par bien des aspects, écorne son image luxe et glamour ? Nous n’irons pas, en ce qui nous concerne, jusqu’à soutenir l’idée que Cannes doit être « accessible à tous ». Il ne faut pas avoir peur de faire des choix. Et c’est aux politiques de les faire, après, avoir entendu la vox populi qui n’est pas, il est vrai, toujours au diapason avec les caprices des princes. Autre remarque que les journalistes de Nice-Matin avaient porté à l'attention de ses lecteurs : l'ambiguïté du maire Bernard Brochand sur ce dossier. Ce dernier leur confiait récemment « qu'il n'envisageait pas de soutenir davantage la manifestation, estimant que la Ville prenait déjà sa part en mettant gratuitement le site à disposition, ainsi que de nombreux moyens techniques et logistiques. » Or, cette remarque vient en contradiction avec une autre rapportée elle aussi par le quotidien. Le maire déclarait qu’il n’avait « jamais vu une manifestation attirant une telle foule, si bien gérée et sécurisée », ajoutant qu’il réitérerait le « soutien indéfectible de la municipalité aux Plages tant qu’il le pourrait ». Le microcosme politique local y perd son latin tandis que certains voient dans cette valse hésitation la confirmation d’une distance prise par le maire avec son premier adjoint, David Lisnard fervent partisan de ce genre d'animation nocturne. Une rumeur qui, à leurs yeux, avait pris consistance après la déclaration impromptue de la candidature de Bernard Brochand à sa propre succession à la députation. Lire ici notre article sur le sujet.