Côte d’Azur : Les sommeliers pour une dégustation à Saint Jeannet,

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dans les vignobles des Hautes Collines, chez les Rasse.

Le patriarche était là, attentif à la bonne marche des événements, faisant entièrement confiance à son fils Georges pour vanter les mérites des vins de l'entreprise familiale, Denis étant en Amérique du Sud pour remplir son carnet de… dessins. À la veille ou presque de la manifestation Les Étoiles de Mougins Yves Bottasso avait convaincu ses confrères sommeliers de venir découvrir ou le plus souvent redécouvrir, la production vinicole de cet unique et atypique vignoble de Saint Jeannet, « Le vignoble des Hautes Collines ».

Une bonne vingtaine d’entre eux avait fait le déplacement, preuve de la bonne santé de cette confrérie, la ASNCAP, où se côtoie la fine fleur de la profession qui officie dans les restaurants ou les caves les plus prestigieux de la Côte d’ Azur et de la principauté monégasque. Une visite didactique qui en valait la peine, aux dires de tous les présents. Le site d’abord, privilégié, qui découvre au sud la mer brillante de soleil, au nord le ciel bleu de bleu et les Baous riches de leur flore et de leur faune méditerranéenne, conférant à l’ensemble un caractère rugueux et authentique.

Entre Vence et le charmant village de Gattières, à quatre cents mètres d’altitude, les vignes, parfaitement entretenues, s’étendent sur quatre hectares. Elles étalaient ce jour-là leurs grappes noires ou dorées avec une légitime fierté, dans l’attente de la vendange et de la longue préparation qui les mèneront jusqu’à nos verres. Quant aux fruits pressés et fermentés, ils passeront par une étape obligatoire (seuls les vins blancs y échappent), un séjour au soleil, en dame-jeanne… Rappelons pour les néophytes, qu’il s’agit de contenants en verre d’une capacité de 10 litres. Ils tiennent leur origine de la Reine Jeanne qui, chassée de son royaume de Naples, se réfugia dans son comté de Provence. Sur le chemin, surprise par un orage, elle fit halte dans un hameau près de Grasse. Au matin, elle demanda à son hôte, maître verrier, de lui montrer comment il fabriquait les bouteilles. Troublé par sa présence, ce dernier souffla tant et si bien dans la pâte de verre chauffée que la bouteille atteint des proportions inaccoutumées. Il décida de donner à toutes celles de la même contenance le nom de Reine Jeanne mais la souveraine, préféra modestement qu’on la baptisât Dame-Jeanne…

Depuis plusieurs décennies les Rasse ont pris l’habitude de faire séjourner sur leur terrasse, plein sud évidemment, ces bonbonnes remplies de leur précieux contenu pendant plusieurs semaines ; jusqu’à trois mois pour certains rouges et 8 mois pour les rosés, une opération délicate qui ne doit pas modifier les arômes. Une tradition partagée par quelques rares vignerons, notamment en Languedoc-Roussillon. Mais là-bas, ce sont les bouteilles de vin qui séjournent sur les toits, coincées entre les tuiles romaines, d’où parfois la tentation de parler de vins tuilés, terme plutôt utilisé en œnologie pour parler de leur robe rouge brique ou orangée… Cette technique empirique assure aux vins rouge et rosé des Rasse une originalité toute particulière. Des recherches scientifiques récentes viennent valider la démarche et nous révèlent que ce passage ensoleillé en bonbonne fait baisser le besoin d’ajouter des sulfites qui, en excès, donnent… mal à la tête. Une bonne nouvelle pour ces vins dont la production est quasi confidentielle avec, bon an mal an, 15 000 bouteilles (ce qui correspond à 35 hectolitres par hectare) dont environ la moitié st vendue à la propriété. Quant aux autres bouteilles, on les trouvera essentiellement dans les restaurants de la région et chez quelques « étoilés » du littoral des Alpes-Maritimes.

Cette dégustation parfaitement orchestrée par Georges Rasse et Yves Bottasso, fut une belle occasion d'échanger entre sommeliers des deux sexes, cavistes, restaurateurs, amateurs éclairés… journalistes. Faisant suite aux explications détaillées du vigneron de toutes les productions commercialisées du domaine, les professionnels y allèrent de leurs commentaires dans leur vocabulaire fleuri et précis, parlant de rondeur, de bel équilibre, de grande complexité, de longueur en bouche exceptionnelle… Christian Belmanne, encore aux Belles-Rives, fut élogieux. Lionnel Compan sommelier chef au Negresco de Nice, précisa que le rosé des Hautes Collines est un vin « gastro » à cent lieux des rosés de « piscine » qui se servent glacés en été… Quant à Bruno Scavo qui officie au Sporting Club de Monaco, sa préférence allait au « Longo Maï », un rouge qui méritait selon lui, le qualificatif rarement employé de queue de paon et qui désigne un vin qui termine long et intense en bouche. Nous-mêmes appréciâmes beaucoup la cuvée Rancio dont l'élaboration est particulièrement longue et délicate. Le vigneron attend jusqu'aux premiers jours de l'hiver que le botrystis noble envahisse les grappes pour vendanger. Fermenté très lentement en fûts de chêne aux basses températures hivernales, le vin s'affinera ensuite, exposé en bonbonnes au soleil pendant 2 ans pour retrouver ses fûts pour 3 ans encore. Gras, riche et dense, avec des notes de pruneaux ou de noix, les sommeliers lui trouvent une parenté avec le Madère, en mieux…

- Georges Brassens ? Non, Georges Rasse…

Cette rencontre conviviale, se termina joyeusement autour d’un buffet provençal, agrémenté de figues vertes et de délicieux raisins de table…

  • Les vignobles des Hautes Collines - 800, chemin des Sausses - 06640 Saint Jeannet – 04 93 24 96 01