Les Alpes-Maritimes redessinées par le préfet Francis Lamy.
Un des enjeux les plus décisifs de la décentralisation se met enfin en place. Définitivement ?
Tous les maires du département étaient à un titre ou à un autre concernés, ainsi que les aréopages divers qui constituent les maillons de nos institutions. Le préfet Francis Lamy avait hier l’attention de tous ces auditeurs… et a dû plus que de coutume, entendre ses oreilles siffler. Beaucoup étaient inquiets des décisions qui allaient être annoncées. Ils ne furent pas déçus du voyage.
L’enjeu était de taille et l’exercice difficile, facilité peut-être par le fait que le préfet est sur le départ et que, s’il laisse ici et là une grenade pas dégoupillée, il ne sera plus là pour la voir éclater… Devant l’inertie de certains maires, le refus d’autres à se fondre dans des intercommunalités existantes, les terribles rivalités entretenues et connues, il était impossible de satisfaire tout le monde.
Le dossier niçois traité en amont donne au binôme Estrosi-Ciotti, les mains libres et la satisfaction de diriger la première Métropole créée dans l’hexagone. Pas tout à fait à la hauteur de l’ambition des deux compères qui se voyaient déjà les commandants d’un département, géographiquement reconstitué à travers cette nouvelle institution. Cela eut été un coup de maître. Aussitôt les assemblées générales rangées au placard de la décentralisation, ils faisaient réapparaître leur département encore plus centralisé autour d’eux avec un avantage supplémentaire : pas besoin de passer par le suffrage universel pour en tenir les rênes, la cooptation entre élus suffirait. Cette Métropole Nice Côte d’Azur (le choix du nom est pour le moins significatif) désormais sur les rails, le préfet se devait d’aller plus loin et de pousser les maires récalcitrants dans leur derniers retranchements. Puisqu’ils ne pouvaient s’entendre, il fallait donc leur « imposer » la loi qui les oblige à jouer en équipe.
Il est vrai que les institutions actuelles sont en France un peu dépassées et que beaucoup de leurs attributions se chevauchent. Que dire de ces communes qui dans les Alpes-Maritimes comptent moins de 500 habitants ? Quel peut être leur avenir si elles ne se marient pas avec plusieurs de leurs voisines ? Que dire de l’institution départementale en concurrence avec la Région ? La France croule sous le poids déraisonnable des charges provoquées par cette inflation de structures, d’élus et de fonctionnaires. Il fallait faire le ménage. Il est en cours avec un premier regroupement Département Région. Il se poursuit avec la mise en place des diverses formes d’intercommunalités qui, quoi qu’on en dise, diminuent considérablement les pouvoirs de petits au profil des grands, d’où cette appréciation inquiète et justifiée que leur avenir leur échappe.
Le préfet Francis Lamy n’a donc pas fait, comme c’était à prévoir, que des heureux lorsqu’il a dévoilé ses plans. À commencer par le député-maire Bernard Brochand et son successeur de moins en moins putatif, David Lisnard. L’un et l’autre auraient et de loin, préféré rejoindre une structure beaucoup plus vaste que celle qui leur est proposée-imposée. Car l’un et l’autre ne veulent pas tomber sous la coupe d’un super maire qui ne soit pas issu de leur sérail et surtout avoir à se plier aux dictat supposé d’un rival ou rivale, même si celui-ci ou celle-ci, appartient au même groupe politique. En clair, plus de communes il y aura, plus facile pourra-t-on dissoudre le pouvoir central, surtout sur un secteur où pourraient s’affronter de fortes personnalités. C’est le cas dans l’Ouest du département avec Bernard Brochand, Michèle Tabarot et Jean Leonetti.
La proposition-imposition du préfet reprend le choix déjà fait pour Nice, un découpage-regroupage Nord Sud mais ne se calque pas pour autant, comme le faisait remarquer un observateur attentif de la vie politique local, Christian Olivier, sur le charcutage des circonscriptions pour les législatives de 2012… Les avantages sont malgré tout évidents, désenclaver des communes sans force de proposition et sans grande possibilité d’action, avec comme conséquence logique la perte de leur pouvoir de décision. Les petites communes ou intercommunalités existantes bénéficieront d’une solidarité fiscale, insistât le préfet. Six intercommunalités de taille et de force différentes sont ainsi sorties de son chapeau.
En observant la carte, on peut anticiper qu’elles se réduisent à terme à quatre. En effet, celle au centre Nord du département, bâtie autour de Puget-Théniers (sous-préfecture de 1860 à 1926), est sans grandes ressources. Celle bâtie autour de Tourettes-Levens ne pèse guère plus. Leur intérêt sera, à terme, de se fondre avec leur voisine. Dans un souci d’équilibrage et pour ne pas donner encore plus de « puissance » à la déjà capitale économique Nice, Puget-Théniers devrait s’allier avec l’intercommunalité d’Antibes et Levens avec Menton. Mais la logique et le bon sens ne font pas tout en… politique et les états-majors calculent les équilibrages à 10 voix près. Or ici, rappelons une fois encore que les présidents de ces institutions territoriales sont élus par leurs pairs. On imagine les pressions qu’ils subiront pour bénéficier des largesses et pour conserver certaines de leurs prérogatives. Qu’ils se rassurent quant même, chaque maire sera, de droit, vice-président de l’intercommunalité et à ce titre recevra une indemnité bien plus conséquente que celle que peut toucher le maire d’une petite commune…