Le non-droit d'en bas
et celui d'en haut...
- publié en décembre 2002 sur la version papier du magazine Paris-Côte d' Azur -
- la fameuse villa au bord de l'eau, le phare, rehaussé pour la circonstance...
Les zones de non-droit ne sont pas l'apanage des quartiers difficiles de l'Ariane ou de la Zaine. Même si les conséquences sont bien différentes, elles touchent aussi des quartiers très résidentiels. La villa de Luc Besson n'était pas en règle, ni celle de Pierre Cardin à Théoule. De nombreuses résidences luxueuses, propriétés de princes arabes, de nouveaux riches russes ou de chefs d'état africains ayant investis sur la Cote d'Azur, ont bénéficié plus souvent qu'à leur tour, d'autorisations où la complaisance avait la couleur de la raison d’État comme d’intérêts plus locaux.
Le dossier de la Villa Pellerin est lui bien français et constitue la plus importante infraction aux règles de l'urbanisme jamais constatée. Son propriétaire en était le concepteur-réalisateur des Tours de la Défense à Paris, grand pape de l'immobilier des années quatre-vingt, Christian Pellerin. Proche de François Mitterrand, il aurait obtenu un regard accommodant de la part de l'administration départementale. La directrice du service de l'équipement fut mise en cause et condamnée tandis que son mari, lui aussi fonctionnaire à l’Équipement, avait été embauché dans la société du promoteur. Quant à la commune d'accueil, Antibes, elle ne fut pas choisie par hasard. En effet, son maire, Pierre Merli, entretenait des rapports privilégiés avec François Mitterrand, un ami de longue date, lié à lui par des liens qui, s'ils n'étaient pas politiques, étaient, dit-on, quasi familiaux. La rumeur ne se gênait pas pour envisager un scénario assez rocambolesque. Ce palais aurait été destiné à assurer une retraite paisible et plus que confortable au président malade.
Tout à la fois gentilhommière et forteresse, l'essentiel de cette demeure de 2650 m2 était camouflé en sous-sol. Une colossale porte en bronze, enserrée dans un panneau de verre et de bronze s'ouvrait sur un couloir de 32 mètres de long sur 3 mètres de large. Au centre, une entrée de 56 m2. Une broutille si on la compare au salon de 130 m2, percé de deux baies vitrées tournées vers les îles de Lérins.
La chambre attenante de 60 m2 possédait un dressing aux dimensions d'un studio. La salle de cinéma de 80 m2 était un joyau tout en panneaux de bois précieux. Un jacuzzi bien sur, desservi par un couloir de douze mètres, agrémenté de saunas et vestiaires individuels. Il débouchait sur un bloc de marbre octogonal où aurait bouillonné une eau turquoise, trônant au milieu de 50 m2 de pierres polies et de marbre du plus bel effet. La vue sur la baie des Milliardaires, tous chefs d'entreprises ou d'Etats venus de Russie, d'Afrique ou d'ailleurs … était féerique.
Que dire des deux cuisines, du local technique, véritable usine à gaz souterraine de trente mètres de long, que dire de la bibliothèque aux boiseries en loupe d'orme ?
Passons aux six écrans et au central informatisé, à la niche, abritant deux Mâtins de Naples, avec ouverture commandée à distance, au câble d'alarme dissimulé dans les buissons qui veillaient à la quiétude des lieux... Pour mette les choses en perspective, le Permis de construire était prévue pour… 320 m². Archives INA, cliquez ici.
Le juge Jean-Pierre Murciano a fait le job. La justice est passée. Elle n'a pas épargné cette fois certains Français d'en haut. Il ne reste plus à la pointe du Cap d'Antibes que des gravas et un rêve inachevé.
PS : la villa Pellerin aurait bien pu ne pas se situer à Antibes. Le gendre de Christian Pellerin, Claude Muller, possédait une agence immobilière sur la Croisette. Il entretenait d'excellents rapports avec le maire de Cannes de l'époque, Michel Mouillot. Avec lui, il envisageait un projet d'envergure qui concernait la seule propriété privée sur l'île Sainte-Marguerite. L'accueil de l'illustre retraité fut, paraît-il, un instant envisagé, héliport compris…