À tort et à travers...
Un des 20 poèmes de Fernand Dartigues publié dans l’ouvrage « Dix francs pièce », année 50.
Le ciel est bleu, les voiles rouges
et l’on voit que flots sont verts
quand les vagues creusent la mer
et dans le port les barques bougent
Souviens-toi du fracas des bombes
et de la peur que nous avions
lorsque le bruit des avions
nous annonçait cent mille tombes
Aujourd'hui tout semble facile
et nous savourons des liqueurs
Nous sommes vivants et vainqueurs
comme les heureux imbéciles
Le ciel est bleu, ta robe blanche
la cloche a sonné 1'angélus
le parfum des eucalyptus
embaume l'air de ce dimanche
Je me souviens de choses vagues
Je vois un visage amaigri
des yeux clairs, des costumes gris
des corps qui flottent sur des vagues
La chatte est là, que ta main frôle
et qu'il ne faut pas retenir
Elle aussi doit se souvenir
C'est son âme triste qui miaule
La vieille femme étend son linge
oripeaux de toutes couleurs
qui de loin sont comme les fleurs
des forêts où sautent des singes
Notre mémoire aussi gambade
mêlant les choses du passé
Si je souris je crois que c'est
en pensant à des camarades
Parfois je parle, mais que dis-je ?
des phrases vides, des mots creux...
C'est ainsi quand on est heureux
le bonheur est un doux vertige
On entend un gamin qui crie
sa mère l’appelle idiot
tandis qu'on joue à la radio
Allons enfants de la patrie
Mais, vois-tu, qu'importent les mots
le ciel est bleu, les voiles rouges
regardons les barques qui bougent
tes yeux sont clairs, le monde est beau !