L’incivilité : la maladie du siècle ou du millénaire ?
Si cette affection existe depuis que l’homme est l’homme et qu’après lui le déluge, elle prend aujourd’hui l’ampleur d’une pandémie. Personne ne se sent responsable et encore moins coupable. Le règne du : c’est pas moi, c’est l’autre, souvent désigné comme étant la société. Pour beaucoup d’entre nous, seule la peur du gendarme freine notre ardeur à faire ce que bon nous semble, sans nous nous soyons préoccupés par les conséquences pour autrui et pour la planète, de nos actes. Malheureusement on ne peut mettre un agent de l’ordre public à chaque coin de rue, encore moins dans chaque chemin de campagne, lieux privilégiés de nos décharges… sauvages.
Ne nous plaignons donc pas si nos élus, le plus souvent par dépit, installent des milliers de caméras pour surveiller nos… indélicatesses flagrantes. « Souriez vous êtes filmés ! » Doit-on pour autant se réjouir de ce phénomène de société qui nous amène à cette désagréable sensation d’être constamment surveillés, épiés et de voir nos libertés se réduire comme peau de chagrin ?
Il fut un temps où l’Éducation civique était un matière au programme, où le Service militaire l’était aussi. Serait-ce aujourd’hui envisageable et efficace ? Rien n’est moins sûr mais ça ne mangerait pas de pain d’essayer. Pour David Lisnard et Jean-Michel Arnaud, « Les incivilités ne seraient pas une fatalité ». Dans un essai « iconoclaste, salutaire et fort bien documenté » qui vient d’être publié, ils enfoncent le clou : « La lutte contre les incivilités est désormais l’affaire de tous. Les affiches sur ce thème se retrouvent partout : dans les rues des villes, sur les quais des gares, dans les écoles, dans les bureaux de poste ou de Pôle Emploi, voire, de façon plus informelle, dans des cafés et restaurants. La condamnation du manque de savoir-vivre s’érige en une nouvelle norme sociale. Repris à l’envi, les mots incivilité(s) et incivisme sont devenus le signe d’un profond malaise de nos sociétés démocratiques contemporaines, le symptôme de notre incapacité à vivre ensemble en République française. »
Les auteurs proposent un nouveau concept, celui d’incommunautés, à partir duquel peuvent s’imaginer de nouvelles politiques publiques. Le maire de Cannes, Principe de réalité oblige, est bien placé pour constater l’évolution de notre société et pour imaginer des solutions. Une entreprise louable mais culottée car parmi les contrevenant de ces incivilités, se cachent ou pas de nombre de ses administrés, électeurs aussi…
Un problème qu’a bien connu Pierre Bourque. L’ancien maire de Montréal s’est dit intéressé par le livre : « durant mes années à la Mairie, j 'ai beaucoup lutté contre toutes les formes de blessures dont on afflige les quartiers et les rues de nos villes que ce soient les graffitis, la malpropreté ; j’avais mis en place un vaste programme d`Ecoquartiers, puis d' Ecocentres, créé et financé par des organismes communautaires dans tous les quartiers de Montréal. Dans une ville de diversité humaine importante, le respect de l' environnement et la propreté me paraissaient comme des facteurs incontournables de la cohésion sociale et du vivre ensemble. »
David Lisnard et et Jean-Michel Arnaud n’ont pas craint pour dramatiser l’incivilité (essentiellement associée à de l’impolitesse) de créer un néologisme : « incommunautés ». Elles ne sont pas juste un manque de savoir-vivre, mais un manque de vouloir-vivre-ensemble et ont comme autres conséquences de pourrir la vie des habitants. De là l’idée de plaider pour un nouveau ou un renouveau sens civique, il n’y a qu’un pas que franchissent avec un brin d’optimisme les deux auteurs en proposant à travers leurs constats et leurs réflexions des pistes de travail.
On a oublié que la liberté s’arrête ou commence celle d’autrui. Vivre dans une communauté de vie implique qu’on y ait des droits et des devoirs, devoirs envers autrui, et envers les générations à venir aussi. CQFD !
REFAIRE COMMUNAUTÉ
« Pour en finir avec l'incivisme »
Jean-Michel Arnaud, David Lisnard
Éditions Hermann