Corona des villes, corona des champs…
Hard confinement versus soft confinement, selon que tu sois puissant ou misérable… Le plus dur dans le confinement, c'est la première année...
- vers Lisbonne, photo Romain Dartigues -
S’il y a bien une chose qui était improbable lorsque nous fêtions le début de l’an, c’est la situation dans laquelle nous sommes et qui est partagée par la quasi-totalité de l’humanité. Une première dans l’histoire du monde moderne. Avec des disparités abyssales quant aux conséquences qu’elle peut avoir dans le quotidien de tout un chacun, selon que l’on soit pauvre, miséreux ou né avec une cuillère d’argent dans la bouche que l’on vive au Sud ou au Nord, à l’Est ou à l’Ouest… que l’on réside à la campagne ou à la ville.
Il est facile de comprendre que la vie sera plus difficile lorsqu’on occupe un studio, si confortable soit-il que dans un 150 mètre carré située dans une copropriété luxueuse ou une villa avec piscine chauffée et court de tennis… Avec un peu d’imagination, on imaginera ce que peut être la vie d’un couple et de ses trois enfants dans un appartement sombre et mal chauffé versus celle d’un couple de retraités aisés dans une confortable maison individuelle disposant d’un jardin… Le confinement imposé, on le devine sans mal, peut être à la limite de l’insupportable pour les uns et sans commune mesure avec les contraintes « soft » subies par d’autres...
Pour compléter le tableau, un petit tour du monde devrait permettre de relativiser le poids des contraintes que beaucoup d’entre nous subissent sans toujours en accepter les règles. Notre caractère frondeur et notre héritage des années 68 : « il est interdit d’interdire » risque aujourd’hui de nous coûter cher… Surtout si nous vivons dans des grandes villes où plus la densité y est importante, plus il se révèle impossible de n’être pas à un moment ou a un autre « à portée de virus ». Que dire de habitants de la presqu’île de Manhattan qui dénombre 25 800 personnes au km² et détient sans doute le record de décès sur cette même superficie… ou de ceux qui habitent les mégalopoles de plus en plus nombreuses en Asie et en Afrique dans des conditions de promiscuités totales ?
Fort de nos privilèges petits ou grands selon que nous vivions en ville ou à la campagne, nous subissons tous ce « confinement ». Douloureuse épreuve pour certains, simple parenthèse pour d’autres ; là aussi avec une importante disparité de réaction individuelle, leur somme déterminant notre comportement collectif. Car le thème a été le sujet d’innombrables romans, essais, films, pièces de théâtre. C’est Robinson Crusoé sur son île, c’est l’emprisonnement seul ou à plusieurs dans une cellule, l’histoire d’une famille qui dérive dans un canot pneumatique perdu dans l’océan Pacifique, d’un équipage de cosmonautes… Pour chacun, c’est une expérience déroutante, révélatrice de nos forces et de nos faiblesses, un voyage vers l’inconnu et, comme Robinson, sans savoir quand le bateau salvateur viendra nous délivrer.
Avec une autre inconnue. Lorsque le fameux jour arrive, pour faire quoi ? L’expérience vécue, subie, aura-t-elle suffisamment bouleversée nos comportements, nos pensées qu’elle nous amènera à les modifier de façon pérenne ? Nous donnera-t-elle de réponses à nos questions existentielles ? A l’heure du « déconfinement », allons-nous reprendre le chemin habituel sans chercher à tirer les leçons de cet aparté avec nous-même, nos proches, nos voisins, la société ? Un chemin qui s’est révélé sans retour pour des centaines de milliers d’humains...