Jean Dubuffet (1901-1985) est l’un des artistes majeurs de l’art occidental après la Seconde Guerre mondiale. Son activité prolifique est protéiforme : il est à la fois peintre, sculpteur, écrivain, musicien et chercheur inlassable de ce qu’il appelle l’Art Brut, réunion d’ouvrages réalisés par des femmes et des hommes « indemnes de culture artistique ». Érigeant la contradiction en méthode, Dubuffet développe une œuvre d’une grande cohérence qui interroge en profondeur la culture occidentale au 20ème siècle. Son sens de l’exagération et de la provocation l’engage à remettre en cause les valeurs et les hiérarchies héritées du 19ème siècle. Il n’a de cesse de critiquer leur bien-fondé dans un dialogue constant avec les sciences humaines de son temps, au premier rang desquelles l’anthropologie, la philosophie ou encore la psychiatrie. 

Avec d’autres artistes et écrivains, Dubuffet doute du primat accordé à l’humanisme occidental mis en échec par deux guerres mondiales. Il préfère l’invention à la tradition, le commun et le banal à l’exceptionnel, le brut au raffiné et récuse l’existence d’un art supposé « primitif ». Dans ses propres travaux, il esquive toute forme d’enfermement, opérant une stratégie du contre-pied en renouvelant constamment sa manière de peindre. Tentant de se défaire des codes dominants de l’histoire de l’art, il explore de nombreuses techniques artistiques avec une liberté totale. Où trouve-t-il un art différent ? En Afrique, en Océanie, chez les enfants, dans les milieux psychiatriques, dans les prisons, dans l’art populaire, dans les graffitis des rues. Dubuffet, tel un barbare, dynamite la culture traditionnelle et ouvre de nouvelles voies en s’intéressant à tout ce qui lui semble relever d’une création artistique libre.

« Jean Dubuffet, un barbare en Europe » met en avant la visite que l’artiste a effectuée en Suisse durant l’été 1945. Il débute son voyage au MEG, où il rencontre Eugène Pittard et Marguerite. Ces derniers lui présentent le psychiatre genevois Charles Ladame, puis Walter Morgenthaler à Berne qui lui font découvrir des œuvres d’art différentes. Il tirera de ces rencontres son concept de « l’Art Brut ».

Le parcours muséographique donne à voir comment Dubuffet entremêle dans son œuvre ses activités artistiques avec les recherches qu’il a consacrées à « l’Art Brut ». On y voit toute la diversité de sa production ainsi que des objets provenant notamment de sa collection et d’autres issus de musées d'ethnographie ou d'hôpitaux psychiatriques qu’il a vus et appréciés au fil du temps. L’exposition est riche de près de 300 œuvres issues des plus grandes collections françaises et européennes.