Accident de taxi : Tesla face au vide juridique
Le cabinet d'avocat parisien Vincent Julé-Parade fait le point sur cette actualité... dérangeante :
"Samedi dernier, un grave accident de la circulation s'est produit dans le 13e arrondissement de Paris : un conducteur de taxi, au volant d'un véhicule électrique de marque Tesla, aurait rencontré un problème technique et a perdu le contrôle de son véhicule avant de violemment percuter un cycliste, rue d'Ivry, puis deux piétons au croisement de la rue Tolbiac. Il a ensuite explosé un conteneur à verres, projeté en l'air lors de l'impact, puis percuté un feu de signalisation ainsi qu'un troisième piéton, avant de s'encastrer dans une camionnette à l'angle de la rue Tolbiac et des avenues d'Ivry et de Choisy.
Selon un bilan est effroyable, l'accident a fait un mort et 20 blessés, dont trois sont dans un état grave.
Depuis, une information judiciaire a été ouverte et le chauffeur de taxi mis en examen pour homicide involontaire. Elle sera indiscutablement longue est marquée par des batailles d’experts et des discussions hautement techniques.
C’est donc maintenant au juge d’instruction qu’il incombe la difficile charge de faire toute la lumière sur les raisons pour lesquelles cette voiture folle est venue tuer un piéton et en blesser grièvement plusieurs.
Naturellement, tous les yeux sont braqués vers la société Tesla et les possibles failles en matière de sécurité. S’il venait à être prouvé que la fiabilité du véhicule devait être remise en cause, il serait parfaitement logique de voir le constructeur répondre de sa responsabilité pénale. Rappelons-nous il y a une vingtaine d’années, le constructeur précurseur en matière de sécurité routière, Volvo, avait pu être condamné pour homicide involontaire dans le cadre d’un accident survenu en 1999 ayant été causé par une défaillance du système de freinage de ses véhicules. Il conviendra de ne pas faire l’impasse sur la question de la sécurité et la fiabilité des équipements des véhicules de la marque américaine, déjà dans le viseur de l’autorité de la sécurité routière des États-Unis.
Le conducteur du taxi quant à lui devra nécessairement s’expliquer sur l’usage qu’il faisait de son véhicule et de ses équipements. Il devra également répondre de sa conduite. Si l’instruction met en lumière des éléments constitutifs du chef de mis en examen, il devra être condamné.
Néanmoins, cet accident ouvre la voie à d’importantes problématiques juridiques qui vont se poser.
L’usage des technologies embarquées, qui sous couvert de vouloir améliorer la sécurité des usagers de la route, peut indiscutablement conduire à une déresponsabilisation des conducteurs, tout comme leur fiabilité doivent interroger.
A trop vouloir laisser la technologie prendre le pas sur la responsabilité de l’humain, ne risque-t-on pas de s’en remettre aveuglément à la fiabilité de systèmes pouvant montrer leurs limites ? Ne faudrait-il pas au contraire rappeler à chaque conducteur que les outils et assistants mis à leur disposition par les constructeurs automobiles ne sont que des aides et non des substituts à l’indispensable vigilance ?
Il importe aujourd’hui de laisser la justice faire son travail, mais il est incontestable que le législateur devra s’en saisir dans les années à venir."