Mérida, Yucatan, 1972.

Crédits:
textes par
Catégorie Geste et pensée...

Il était encore très tôt lorsque, à la gare des bus de Mérida, je pris celui qui se rendait dans le petit port de Juarez. Il s’arrêta à Chichen Itza.

Les cars de touristes n’avaient pas encore débarqué leur hordes de curieux, pour la plupart des nord-américains en mal de souvenirs et d’image d’Épinal à ramener. A l’entrée du site, les commerçants installaient leurs étals. De la fenêtre, j’apercevais la pyramide maya que j’avais eu l’occasion d’approcher à plusieurs reprises. Quelques passagers descendirent, chargés de babioles qu’ils allaient essayer de vendre. Sur la banquette à côté de la mienne, il y avait une femme typée. Sa robe était ornée de broderies chatoyantes qui étaient les mêmes que celles que portaient les femmes de son village. Sur ses genoux, elle tenait une poule qui de temps en temps, manifestait son désir de liberté.


L’autobus stoppa face au débarcadère et aux modestes maisonnettes proches de la plage. Quelques chalutiers étaient amarrés au rivage et les barques tirées à terre. Je décidais d’y passer la nuit mais je dû partager la chambre avec des habitants du coin... les moustiques. Le soleil se leva, glorieux, donnant du relief au décor. Je pris le premier ferry pour Isla de Mujeres, étroite bande de terre de 18 kilomètres de long. L’eau était d’une limpidité de carte postale. Durant ce court trajet, on pouvait voir le fond sableux et les algues qui ondulaient avec élégance au gré du courant. Je me rendis au seul hôtel en service. Il avait le charme désuet des établissements des années 50. Nous étions hors saison, il n’y avait qu’une poignée de visiteurs. A quelques mètres seulement de la côte rocheuse et déchiquetée, la piscine était vide. Ombres fantomatiques, les rares membres du personnel glissaient dans les couloirs.

Je parcourus à pied une grande partie de l’île. Ainsi, je découvris la présence d’un petit temple maya, à peine indiqué par un discret panneau. Mais, en m’en approchant, je fus assailli par des myriades de moustiques qui résidaient dans la lagune toute proche. Il me fallu battre en retraite et accélérer le pas pour semer mes assaillants.

Cheminant, sac à dos, le long de la partie la plus étroite de l’île, mon attention fut attirée par une masse sombre qui, dans cette eau transparente, se déplaçait gracieusement à quelques mètres du rivage. Elle me fit immédiatement penser à ces vols d’étourneaux qui décrivent dans le ciel de novembre d’étonnantes « murmurations »… Je mis rapidement mon maillot et, muni de mon masque, je fis quelques brasses vers cette forme mouvante. Il s’agissait d’un banc de poissons aux couleurs grises et dorées. A quelques millimètres les uns de autres, ils effectuaient de magnifiques et complexes figures. Les membres de cette communauté marine semblaient m’accepter, sans me permettre pour autant de les toucher. Par quels miracle coordonnaient-ils leurs… vols ? Ils m’entouraient si bien qu’à plusieurs reprises, je me trouvais au centre du banc. Il y faisait sombre. Le temps s’arrêta me sembla-t-il quelques minutes tandis qu’une sensation de plénitude m’envahissait.