- photo (c) PCA -

Mémoire d'exilé

Il partait chaque nuit vers le pays aimé,
Chassé par l’ouragan et le bruit des fusils,
Un jour plein de lumière, sale comme une suie,
Mais le train s’en allait, lui restait sur le quai…

L’Histoire tourne les pages, lui restait obstiné,
Attaché aux images du bonheur ordinaire,
D’une enfance volée, du sourire d’une mère,
Chaque nuit, vers l’ailleurs, son rêve le ramenait.

Il avait réussi, sur la terre nouvelle,
Ses amours, ses amis et sa place au soleil.
Lorsque le soir venait, il cherchait le sommeil,
Errant inconsolé dans de vieilles ruelles…

Il faisait chaque fois, un étrange voyage,
Vers son pays perdu, à jamais englouti.
Il voyait un bateau qui s’éloignait sans lui,
Le laissant sur les quais, noyé dans son mirage.

Il est ainsi des terres qui ne meurent jamais
Attachées aux racines des mémoires du cœur.
Les exilés remontent le cours d’anciennes heures,
Sur des chemins perdus toujours recommencés.

Pourquoi faut-il chercher au fond de sa mémoire
Les éclats d'une enfance à jamais disparue ?
Les aurores passées ne se lèveront plus ;
Tout sera effacé jusqu'aux pages d'histoire…

Guy Bezzina - 6 mai 2024