La « Pointe Croisette » : un village au bout de Cannes
Il y a une cinquantaine d’années, les quartiers de Cannes se répartissaient comme des « villages » avec leurs propres coutumes, une identité particulière et une ambiance pour leurs habitants. Il y avait d’abord Le Suquet et la rue Grande (aujourd’hui rue Meynadier), considérés comme le cœur de la ville, la rue d’Antibes et La Croisette, consacrées aux commerces, La Californie, essentiellement résidentielle, et La Pointe Croisette, plus ou moins en quête d’identité.
- l'ex et très regrettée Piscine du Palm Beach Casino au début des années 70 - photo AD -
Délimitée au nord par la voie ferrée et au sud par le Palm Beach et la mer, la Pointe Croisette était plutôt séparée en deux. Au nord, il y avait la Place Saint Jin Jin, son école et le stade de football des Hespérides, au sud, la Place de l’Étang, ses boulistes, le casino du Palm Beach l’été et l’emblématique « Whisky à Gogo », avec comme axe principal l’avenue de Lérins. L’été le « quartier » sud était très vivant, avec les stars qui venaient jouer aux boules (Eddy Barclay, Charles Aznavour et Henri Salvador étaient des habitués), les joueurs vêtus sur leur « trente et un » qui allaient au casino où il n’y avait que les jeux de table, le Whisky à Gogo créé par Paul Pacini qui attirait tous les noceurs, et un petit restaurant très animé au bord de la Place de l’Etang, « Chez Jeanne », un boucher et un marchand de légumes. Le quartier nord lui, paisible pendant les vacances scolaires, s’enorgueillissait du seul « Bon Lait » de la presqu’île.
L’hiver, c’était une autre histoire : le Palm Beach était fermé, les boulistes chassés par les intempéries, avec un bus toutes les quarante minutes, on vivait « au bout du monde » dans une douce léthargie, où les enfants du voisinage se connaissaient tous, les parents se fréquentaient… village garantie !
Les années ont passé, les belles villas bourgeoises comme les petites maisons de pêcheurs qui occupaient les lieux ont petit à petit disparu pour laisser la place à des immeubles, toujours plus d’immeubles. La petite école a déménagé près du stade des Hespérides, la Place Saint Jin Jin a vu la construction d’un immeuble et accueille depuis quelques années un petit marché paysan les mardis et vendredis matin, les commerces ont poussé à la même vitesse que les immeubles, on s’est urbanisé et il faut bien reconnaître que si le charme d’antan a totalement disparu, la Presqu’île reste un endroit privilégié, où l’on se sent toujours en marge de l’agitation du centre ville, avec un confort de vie des plus appréciable (sauf l’été avec l’invasion sur les plages de touristes de plus en plus mal élevés, et dans la mer, celle des planches à voiles, kite-surf et plus récemment les paddles qui laissent de moins en moins de places aux nageurs).
Aujourd’hui, le quartier est capable de vivre en autarcie. Exit le Whisky à Gogo, ce dont personne ne se plaint, la jolie clientèle des années 60 s’était muée en une horde de sauvageons, le Palm Beach a perdu les fioritures qui lui donnaient un petit air oriental mais reste un casino où la clientèle n’hésite pas à se rendre… en short ! La Place de l’Étang accueille quatre restaurants (trois bons et un carrément mauvais, à vous de faire le bon choix). Toujours autour de la place, il y a boutiques de maillots, pharmacie, buralistes, boulanger, épicier, un excellent poissonnier, de nombreuses agences immobilières et même un institut de beauté.
Le « nord » se différencie toujours du « sud » avec deux supérettes, la poste, une autre pharmacie, coiffeur, garagiste, pressings, bijoutier, médecin, dentiste… Il y a cependant trois commerces qui méritent d’être soulignés : d’abord les deux bouchers-traiteurs, dont l’un « Chez Pierre » est sûrement l’un des meilleurs de Cannes, une autre poissonnerie ouverte récemment par un pêcheur « Les Délices de la Mer » et surtout une incroyable épicerie fine. Il fallait oser créer ce genre de boutique dans un lieu aussi excentré. Et ça marche, grâce à la détermination des propriétaires, Catherine et Hugues Weydert, ancien vignerons en Pommart. Leur boutique « DKoWine » propose une gamme de produits de grand luxe (caviar, saumon… de chez Petrossian ; foie gras, magret… de chez Valette ; champagnes Ruinart, Krug, Laurent Perrier… ; belles sélections de vins français, coffrets cadeaux d’art de la table) mais aussi des gourmandises de Godiva et de Florian. En dehors de ces grands noms, les patrons épicuriens vont tous les ans à la recherche de petits producteurs de bons produits de terroir.
- boutique DKoWine, 11 rue Pons – Tel : 04 93 43 63 88 - photo Patrick Flet -
Mais chut ! Je n’en dirai pas plus sur ce séduisant quartier déjà bien assez peuplé comme ça !